16 novembre 2009

la décroissance est-elle en marche ?



Nous étions nombreux à être fatigués.
On ne savait plus trop où on était ni où on allait, mais ce qu'on savait, c'est que ça faisait un moment qu'on y allait.
On en parlait beaucoup en marchant parce qu'on n'était pas tous d'accord. Et puis, il fallait bien passer le temps pendant qu'on marchait.
Certains disaient qu'il ne fallait pas trop parler, parce que ça nous fatiguait encore plus et qu'on était moins efficaces.
-" On aura bien le temps d'en parler quand on sera arrivés", qu'ils disaient.
-" Quand on sera arrivés où ?" qu'on leur demandaient.
- " Quand on y sera, tout sera plus clair, vous verrez".
L'un de nous demandait :
-"Ben oui, mais si l'endroit où on va est tout pourri, tout moche et qu'on y est mal, ce sera trop tard, non ?"
Ils lui répondaient qu'on n'allait pas s'arrêter dnas un endroit tout pourri et tout moche : On n'était pas si cons. On choisira un endroit qui nous plait.
Et puis le ton montait et ils commençaient en général à discuter du fait que ce qui plaît aux uns, ne plaît pas forcement aux autres, et que ça serait dur de choisir.
Un peu bercé par leur discussion, et un peu enivré par la marche forcée, je laissais en général mon esprit vagabonder.

Petit à petit, j'ai commencé à regarder autour de moi. Le paysage, et puis les gens qui m'entouraient. Je me suis aperçu qu'on marchait à travers des paysages qui changeaient tout le temps. J'avais toujours quelque chose à voir : Des collines, des forêts, des plaines, des bocages, d'autres groupes de marcheurs. J'ai commencé à me familiariser avec les paysages, à anticiper ce qu'il y aurait derrière la colline suivante, après le prochain virage. Du coup, la marche devenait beaucoup plus facile : Je n'étais plus surpris par les collines un peu escarpées, par les ornières de la route ou les branches basses des conifères qui rasaient nos têtes.
Je me sentais mieux, et moins fatigué.
Et puis j'ai aussi remarqué les gens autour de moi. J'ai remarqué que quelques uns faisaient comme moi. Je ne les avais même pas vus avant. Je croyais avoir fait une découverte avec ce paysage, et je m'apercevais que les autres avaient dans le regard ce petit éclat de plaisir que je devais avoir aussi dans mon regard.
A force de regarder les mêmes choses, on a finit par marcher côte à côte, par se montrer les choses que l'autre n'avait pas encore remarqué. On se faisait mutuellement découvrir des trucs.
On commençait à être un groupe un peu nombreux parce qu'on étaient entourés par nos enfants et nos amis. Ils s'étaient bizarrement regroupés autour de nous. Et puis, nous aussi, on était bizarrement moins énervés qu'avant, de les avoir dans nos pattes. On trouvait ça plutôt agréable.

A force de marcher en regardant autour de nous, on a dévié de la route que suivait le reste du groupe.
Oh ! pas de beaucoup, hein ! On était juste un peu à l'écart. Il y avait des échanges entre les deux groupes. Il y en avait souvent un qui allait prévenir l'autre groupe : ce qu'il y avait derrière la colline, ou bien  on leur montrait un truc pour soulager les pieds fatigués par la marche. Et dans l'autre sens, certains des musclés des "marcheurs de force", (comme on les appelait maintenant) venaient nous aider quand on avait un blessé, une cheville foulée. Pour les écorchures et les petits bobos, on se débrouillait tout seul. Et puis on donnait ces remèdes à certains des "marcheurs de forces" qui en étaient friands et qui s'en servait pour aider les autres.
La seule chose qui différenciait les deux groupes, c'était que les "marcheurs de force" avaient l'air de souffrir. D'avoir du mal à avancer, d'avoir mal en avançant.

Petit à petit, on se disait qu'on aurait bien voulu les aider et les soulager. Mais souvent, ils étaient trop loins de nous pour nous entendre. Et quand on les rattrapaient, c'est parce qu'ils étaient fatigués. Trop fatigués pour nous écouter.

On était nombreux à marcher. Et on était de plus en plus nombreux à se dire que le plus important se passait déjà pendant la marche. Et qu'il ne fallait pas attendre d'être arrivé quelque part.

Et puis arrivés où, finalement ?

1 commentaire:

Vincent François a dit…

« On avance, on avance, on avance,
Tu vois pas tout ce qu'on dépense
On avance

Faut pas qu'on réfléchisse ni qu'on pense.
Il faut qu'on avance. »

-- Alain Souchon

J'ai hâte de lire la suite. Savoir à quel moment certains marcheurs tendent une embuscade aux autres, ou utilisent des véhicules qui défoncent la route devant les autres. Voir aussi les murs qui barrent la route et les manières de les franchir, de les détruire, de les contourner.

Quant aux liens d'un blogue à l'autre, ne te prive pas. C'est même une bonne manière d'en découvrir de nouveaux.

Regarde, moi je ne me gêne pas :
Tsouin! Tsouin! Oyez! Oyez! Voilà mon blogue! Tsouin! Tsouni! ;-)